Vanité des plaisirs : étude du tableau de Jan Miense MOLENAER

Jan Miense Molenaer, Allégorie de la vanité ou Femme à sa toilette, 1633, 102 x 127 cm, Toledo Museum of Art, Toledo, Ohio.

Jan Miense Molenaer, Allégorie de la vanité ou Femme à sa toilette, 1633, 102 x 127 cm, Toledo Museum of Art, Toledo, Ohio.

         La courte biographie qui suit provient de l’encyclopédie en ligne larousse.fr, le directeur de la publication est Isabelle Jeuge-Maynart, et l’hébergement du site est assuré par la société Hachette Livre. La navigation dans ce site est très simple, les différents thèmes sont regroupés selon les dictionnaires français, les dictionnaires bilingues et une encyclopédie.

        Ensuite, le site sur lequel j’ai pu trouver des éléments iconographiques et le cartel complet de l’oeuvre est utpictura18.univ-montp3.fr. C’est une base de données iconographiques, permettant d’associer images et textes du Moyen-Age jusqu’aux Lumières. Les images sont mises en rapport avec leur cartel complet ainsi qu’une indexation des objets constituant l’image. Le site comporte aussi des cours en ligne, des articles, des définitions méthodologiques et théoriques ainsi que des outils pédagogiques. Pour ce qui concerne la recherche, dans l’onglet « image en ligne » se trouve différents types de recherche, soit simple où l’on peut taper un ou des mots clés, soit par liste (selon la technique) ou encore soit par périodes historiques. L’interface paraît à première vue peu professionnelle mais en réalité c’est une très bonne et utile base de données avec une recherche simple et ludique. Ce programme est développé par le Centre interdisciplinaire d’Etude des Littératures d’Aix-Marseilles. Les auteurs sont Benoît Tane, maître de conférences en littérature comparée à l’université de Toulouse-Le Mirail et Stéphane Lojkine, professeur de littérature française du XVIIIe siècle à l’Université d’Aix-Marseille. Ils ont fait tous deux de multiples publications pour en savoir plus vous êtes invités à aller voir dans l’onglet « qui sommes-nous ? ».

        Enfin pour avoir plus amples informations sur ce tableau j’ai consulté le site du Musée où il se trouve: le Toledo Museum of Art de l’Ohio (Etats-Unis), qui propose aussi une description du tableau.

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        Jan Miense MOLENAER (1610-1668) est un peintre néerlandais de Haarlem. C’est surtout un peintre de scène de genre, il est fortement influencé par son maitre Franz Hals, et il collabore aussi lorsqu’il est à Amsterdam en 1648 avec Jan Lievens, qui peignait souvent des vanités et natures mortes.

       Dans ce tableau tout n’est qu’apparence et transparence: le reflet dans le miroir, les bulles de savon, les richesses du décor.

       Le tableau représente une jeune femme au miroir se faisant peigner les cheveux par une servante, en face d’elle se trouve un petit garçon jouant à faire des bulles. En-dessous de son pied gauche se trouve un crâne. Nous nous trouvons dans un intérieur de riches hollandais décoré d’instruments de musique et de luxueuses draperies. Un tapis importé de Turquie qui symbolise l’importance des échange commerciaux entre les ports du Nord (VOC) et l’Orient, la robe de satin et fils d’or rappelant la couleur des cheveux de la jeune femme, puis un petit coffre à bijoux d’où débordent de multiple diamants, perles, ors et autres. C’est une scène du quotidien de la maitresse de maison.

        Tous ces éléments renvoient aux symboles des vanités: le crâne (la mort), les bulles de savon (la fragilité de la vie), les instruments de musiques (le divertissement qui éloigne de la vie spirituelle), et le thème de la femme au miroir (le narcissisme, une autre vanité). Le singe enchainé à ses pieds peut représenter le genre humain volontairement captif de ses instincts les plus primaires.

        Cette représentation renvoie à la première définition de la vanité, dans le sens où elle est le plus employée aujourd’hui : celle d’une personne orgueilleuse, narcissique et égoïste. Rappelons d’ailleurs à ce propos le mythe de Narcisse tombant amoureux de son propre reflet. Ce thème de la femme au miroir dénonce l’hypocrisie des apparences, qui mène à la perte, voire à la mort.

       On note le thème de la musique, celui des riches bijoux, et draperies, selon les « trois catégories de la vanités». La représentation des instruments de musique symbolisent la vanité des biens terrestres et ici des plaisirs. La musique peut être considérée comme un plaisir vain et profane qui suscite les passions inutiles.

Clémentine J.

La vanité représentée dans l’autoportrait de David BAILLY (1651)

David BAILLY, Autoportrait ou Vanité, Nature Morte avec portrait d'un jeune peintre, 1651, huile sur bois, 90 x 122cm, Stedelijk Museum, Leyde © Copyright Luc Rozsavolgyi 2004 - 2008

David BAILLY, Autoportrait ou Vanité, Nature Morte avec portrait d’un jeune peintre, 1651, huile sur bois, 90 x 122cm, Stedelijk Museum, Leyde
© Copyright Luc Rozsavolgyi 2004 – 2008

       Les ressources ayant permis cette recherche sont un site internet d’amateur et un blog, chacun ayant fourni une analyse de l’Autoportrait de David Bailly.

Capture d'écran du blog http://mydailyartdisplay.wordpress.com. Page "About"

Capture d’écran du blog http://mydailyartdisplay.wordpress.com. Page « About »

       La première ressource utilisée est un blog rédigé en anglais d’un amateur anglophone d’Histoire de l’Art faisant régulièrement des articles sur des oeuvres de toutes époques confondues. Son travail a débuté en  2010 : my daily art display. Ce blog est hébergé par WordPress. L’interface du blog est plutôt esthétique, avec un moteur de recherche par mots-clés, comprenant des noms de peintres ou des genres artistiques. On note un trop-plein de catégories cependant. Il aurait été plus didactique de faire plusieurs onglets dans le menu principal pour se repérer plus facilement. D’après ce que l’on peut lire dans certains de ses articles, l’auteur souhaite traiter d’oeuvres qui n’ont pas encore été beaucoup étudiées. Lorsque l’on tape « vanitas » dans la barre de recherche nous nous trouvons face à plusieurs articles traitant plus ou moins de la vanité. Malgré le peu d’informations sur l’auteur, sa formation, son âge, ou bien même son pays, je recommande ce blog car il est très intéressant et concentre bon nombre de présentations de tableaux, d’artistes, de mouvements artistiques. On peut suivre ce blog en recevant des alertes par mail. En ce qui concerne l’article sur l’Autoportrait de David Bailly, il est très complet, y figure également une courte biographie utile pour cerner l’artiste, ainsi qu’une description et une analyse de la vanité.

       Ensuite, un site français datant de 2003, réalisé un collaboration avec un professeur et plusieurs de ses élèves. L’auteur, Luc Rozsavolgyu, explique que ce site a pour objet de regrouper des extraits importants de ses cours donnés en Classe Préparatoire H.E.C et à l’Académie supérieure des Beaux-Arts. Le site en lui-même n’est pas pratique, mais j’ai voulu le citer car l’article traitant de l’Autoportrait de David Bailly est assez intéressant, bien que pas scientifique. L’esthétique de l’interface est peu agréable par sa couleur beaucoup trop criarde pour être appréciée et nous ne pouvons accéder aux différentes rubriques que par un code d’accès.  J’ai réussi a trouvé l’article en question uniquement par l’intermédiaire du moteur de recherche Google.

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      Cet autoportrait comporte plusieurs nom : Vanité au portrait, Vanité, nature morte avec portrait d’un jeune peintre. C’est une huile sur bois de 1651 par le peintre néerlandais David Bailly né en 1584 et mort en 1657 à Leyde (actuels Pays-Bas), non loin de la région d’Amsterdam. Elle est actuellement exposé au Stedelijk Museum de Leyde.

       Leyde est à l’époque une ville concurrente d’Amsterdam sur le plan économique et celui de la production artistique. David Bailly a été portraitiste à Amsterdam. Souvent dans ses portraits sont mis en scène des natures mortes ayant pour objet une vanité. C’est à la suite de son Grand Tour de l’Europe qu’il peigna fréquemment des natures mortes et des vanités.

Une mise en abîme.

       Ce tableau a été peint lorsque l’artiste été âgé de 67 ans, or le sujet de l’oeuvre c’est un homme plutôt d’un jeune âge. Il est facilement aisé de le reconnaitre : c’est l’artiste lui-même, en plus jeune. Il nous présente de sa main gauche un autoportrait de son visage à l’âge où il peint le tableau. Cette scène est comme une projection du passé pour l’homme représenté dans le petit cadre ovale, ou bien du futur pour le jeune homme représenté. Quoiqu’il en soit, ces deux projections tendent vers la même fin : la vieillesse, la décomposition et la mort. C’est pourquoi dans l’autre partie du tableau se trouve une nature morte.

La représentation des arts et des connaissances

      On remarque qu’au dessus du creux de son coude gauche est suspendue au mur une palette nue qui symbolise la peinture. Au dessus de cette palette se trouve le dessin avec la représentation du Bouffon jouant du luth de Frans Hals (c.1623) qui découle de la représentation de la musique qui figure aussi avec une flute posée derrière l’autoportrait « vieux ».

sg

A gauche : Bouffon jouant du luth de Frans Hals, c.1623, Musée du Louvre, 70 x 62 cm. Source :  http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-bouffon-au-luth & A droite : détail de l’Autoportrait de Bailly, source: http://www.cynthia3000.info/celine-brun-picard/blog/index.php?tag/david-bailly

Enfin, le jeune homme présente avec sa canne les multiples objets qui se trouvent sur la table : la représentation de la  la sculpture avec une miniature de buste et d’une sculpture sur piedestal. Puis se trouve aussi un rouleau de papier et un livre, qu’on peut interpréter ici comme des symboles de connaissance. Le lien entre la partie gauche et la partie droite du tableau se fait par les bras du jeune homme. Ces divers objets font du ou des peintres représentés des personnes érudits ayant la connaissance des lettres et des arts.

Une vanité

     Associés à cette mise en abîme et à cette représentation des arts, des éléments symbolisant la finitude de la vie : des roses, une bougie éteinte d’où s’échappe de la fumée, des bulles de savons qui représentent la fragilité de la vie, puis le crâne et le sablier signifiant directement le destin funeste de chaque homme. Sont présents aussi des éléments représentant les passions humaines : un verre rempli d’un liquide ambré, peut-être de la bière ou du vin blanc très consommés à l’époque (il était commun d’être ivre dans cette région au XVIIème, beaucoup de représentations en manifestent), des pièces de monnaies, un collier de perles, un couteau en os ou en ivoire et un tissu noir précieux. Tout ceci est agencé pour que ce soit agréable aux yeux du spectateur. En dernier élément qui justifie que ce soit une vanité : la présence du verre au reflet rouge sang semblable à un calice et à une boule d’encens, y figure aussi des livres, peut être la Bible, renvoyant directement à la condamnation des passions par la religion chrétienne.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0d/David_Bailly_Vanitas1651.jpg

Détail de l’Autoportrait de David Bailly Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0d/David_Bailly_Vanitas1651.jpg

        Ce tableau est une mise en scène, car se trouve dans le coin droit du tableau un rideau qui peut faire penser au rideau du théâtre, que l’on dégage lorsque la scène commence et que l’on ferme lorsque c’est fini. Avec ce rideau, le tableau tend de nouveau vers l’ambiguïté du présent et du passé : on dégage le rideau pour montrer ce qui va arriver dans un futur plutôt lointain pour un jeune homme, ou bien on le ferme pour exprimer le faite que la « partie est finie », c’est la fin de la représentation.

Clémentine J.

Les enjeux de la représentation des vanités

       Pour répondre à ce sujet, Études épistémè, revue électronique publiée chaque semestre consacrée à l’étude de la littérature et de l’histoire en Europe du XVIe au XVIIe siècle, a été très utile. Elle est publiée par l’université de Paris III. La publication est dirigée par deux professeurs de cette université, Gisèle Venet et Line Cottegnies. 

Premier paradoxe : la représentation des éléments de l’iconographie et la nécessité d’un aspect esthétique 

        L’aspect esthétique des vanités est primordial : bien que le message soit moral et funeste (memento mori), renvoyant aux différentes passions humaines (savoir, gloire, richesse et plaisirs de la chair) les natures mortes de vanités sont avant tout belles. C’est là tout le paradoxe de ces images : représenter l’idée de la mort et de la fuite du temps de façon extrêmement attrayante pour l’oeil. Ceci est particulièrement visible en peinture, où les contrastes de couleurs, la lumière, subliment les objets représentés avec tant de minutie. En gravure, l’oeil est moins distrait, le sujet apparait plus clairement, il est ainsi plus « terrifiant ». 

        Voici deux gravures : une du néerlandais Jan Kuyken et Pieter Arentsz et une autre de Barthel Beham un allemand, tous deux ayant vécu au XVII ème siècle. Le site du Rijksmuseum permet de faire des recherches par mots clés dans l’onglet « explorer la collection ». En rentrant un mot, plutôt en néerlandais, comme « zandloper » (« sablier ») on trouve un certain nombre de gravures du XVII ème siècle sur le thème des vanités. Les gravures sont répertoriées par mots clés plus que par thème (les vanités par exemple). 

Source https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=zandloper&p=2&ps=12&ii=6#/RP-P-1896-A-19368-545,18

Pieter ARENTSZ (II), Femme assise à une table avec une bougie allumée, sablier et un crâne, Jan Luyken, 1687, gravure, 95mm × 78mm, Rijksmuseum Source: https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=zandloper&p=2&ps=12&ii=6#/RP-P-1896-A-19368-545,18

         La gravure de Jan Kuyken possède une composition classique, d’un intérieur peu détaillé, mis à part deux arcades esquissées dans l’arrière plan. Ces arcades renvoient à un lieu sacré, un temple ou peut être une église. Une femme, en vêtement de type monastique indique de sa main droite la bougie qui se consume. En nature morte sur la table un crâne, un sablier. Sur les genoux de la femme, un livre ouvert. Le graveur a réussi à rendre la lumière de la bougie. Cette gravure simple est belle et efficace : on saisit l’idée de la nécessité de préparer son âme au Jugement Dernier qui est proche, référence fait par les arcades, grâce à la Bible, livre posé sur les genoux.

La gravure de Barthel Beham est plus « violente ».

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Barthel BEHAM, Enfant endormi avec quatre crânes et un sablier, 1512 – 1540 Gravure, 54mm × 76mm, Rijksmuseum. Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=zandloper&p=1&ps=12&ii=11#/RP-P-OB-4201,11

         Un jeune enfant type putto est endormi les bras croisés sur la poitrine, tel un gisant. Les crânes au premier plan sont massifs et représentés en gros plan. On perçoit chaque détail de ces derniers, notamment celui sur la droite qui est vu du dessous. La morbidité est ici frappante. D’autre part, l’orientation de ce crâne vu di sotto in su renvoie directement à celle de l’enfant. Il y a un jeu de correspondances pour souligner encore une fois la brièveté de la vie. Le passage de l’enfance à la mort est représenté comme étant très rapide. 

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Barthel BEHAM, (détail) Enfant endormi avec quatre crânes et un sablier, 1512 – 1540 Gravure, 54mm × 76mm, Rijksmuseum. Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=zandloper&p=1&ps=12&ii=11#/RP-P-OB-4201,11

Second paradoxe : la représentation de l’irreprésentable (la mort, la fuite du temps, le néant)

       C’est justement parce que la représentation de concepts abstraits est difficile que l’iconographie des vanités s’est « institutionnalisée » : le crâne, la bougie, le sablier etc. Tous sont des symboles d’une idée précise. Grâce à ces éléments stables, la lecture des vanités se fait facilement, en dépit des différents modes de représentations et des variations. 

      La simplicité de ces modes de représentations est typique du Siècle d’Or. Tout comme des artistes tels que Frans Hals par exemple dans ses portraits, les vanités sont empreintes de « réalisme ». L’utilisation d’éléments quotidiens de l’époque : les fleurs, les bougies, le sablier. Les éléments du quotidien sont utilisés et mis en scène pour illustrer plus généralement des idées ou des proverbes.

Résolution des paradoxes : les sources littéraires de l’époque ou comment fournir aux peintres un imaginaire pour représenter les vanités. 

       La source principale du XVII ème siècle aux Pays Bas était Roemer Pieterszoon Visscher (né à Amsterdam en 1547 et mort le 19 février 1620) , un négociant hollandais et un auteur d’épigrammes populaires. Ses emblèmes de l’ouvrage Sinnepoppen ont beaucoup circulé, et ainsi on retrouve des modèles de bougies, symbole de l’écoulement du temps (ici des petits clous percés dans la bougie indiquent la vitesse à laquelle fuit le temps).

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Source (capture d’écran) : http://graauw.home.xs4all.nl/sinnepoppen/sinnepoppen.html Van ROEMER VISSCHER, SINNEPOPPEN, Gravure « Bij glafen om » 1614

       Jacob Cats a aussi fourni, avec son Emblemata, des modes de représentations des objets du quotidien. Par exemple cet emblème de la bougie assorti de la mention « Flamma fumo proxima »

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Source : (capture d’écran) http://emblems.let.uu.nl/c162717.html Jacob Cats, Flamma Fumo Proxima, Emblemata, Gravure, 1618

On retrouve cette idée de bougie, outil du quotidien, employée en peinture pour symboliser la fuite du temps.

        Pour cette dernière partie, l’article de Christophe de Voogd, La civilisation du « Siècle d’or »aux Pays-Bas publié sur le site Clio – Voyage Culturel est très intéressant et complet sur le Siècle d’Or. Christophe de Voogd est maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris Ancien directeur de la Maison Descartes. L’article est hébergé par Clio, un site d’historiens voyageurs désireux de faire partager leur plaisir de l’exploration culturelle.

Clémence L.