L’historien de l’Art et professeur suédois Ingvar Bergström découpe les vanités en trois catégories distinctes.
– La première est l’évocation de la vanité des biens terrestres. Les représentations de ce type de vanité comportent de l’argent, des bijoux, des objets précieux de collections, des armes, couronnes et régalias, pipes, fromages, pommes de terre, jambon, instruments de musique et jeux, tout ce qui renvoie à la vanité des plaisirs.
– La seconde catégorie est l’évocation du caractère transitoire de la vie humaine. Donc c’est tout l’imaginaire des crânes, des instruments de la mesure du temps, des montres et des sabliers, des bougies et lampes à huile, du feu, des fleurs etc.
– La troisième et dernière catégorie renvoie aux symboles de résurrection et de vie éternelle. Il s’agirait d’épis de blé, de couronnes de lauriers et d’écus de chêne.
Les oeuvres illustrant ces catégories ont été trouvées sur le site du Rijksmuseum. Outre le fait de pouvoir créer son studio, c’est-à-dire sa propre collection de peintures selon des mots clés ou thèmes de son choix, la facilité avec laquelle on peut « explorer la collection » est un point fort de ce site car ce musée possède un nombre spectaculaire de gravures, dessins, peintures qui concernent directement le sujet des vanités. Le moteur de recherche permet de réaliser des recherches en anglais, mais on se rend bien compte que pour atteindre les studios, très utiles, crées par des abonnés, il faut plutôt utiliser des mots néerlandais. Le seul problème de ce site est qu’il n’est pas possible de le « suivre » sur un outil tel que Netvibes par exemple, car il ne possède pas de flux RSS.
Pour la partie sur l’oeuvre de Heda, la National Gallery de Washington met à disposition des enseignants des dossiers pédagogiques. Sous forme de PDF, ce dossier concerne la période de l’Age d’or en Hollande. Cette publication date de 2007 et a été réalisée par un certain nombre de professeur, du département des « publications éducatives ». Ce dossier est accessible sur le site de la National Gallery directement et comporte une soixantaine de pages.
Les limites de cette catégorisation
Mais cette catégorisation n’est pas toujours pertinente : en effet ces catégories ne sont pas étanches. En voici l’illustration par le commentaire d’une oeuvre.
L’artiste, Willem Claesz Heda, est néerlandais, il est né en 1593/1594 et mort 1680. Il est l’un des plus grands peintre néerlandais de nature mortes notamment pour celles de petits-déjeuners et de banquets.
La tartelette de Noël, ou tourte, était réservée pour les occasions particulières. C’était un met aromatisé aux épices très onéreuses. Les autres plats qui se trouvent sur la table sont également des plats de luxe : des citrons et olives importés, des huitres qui se consomment avec du vinaigre contenu dans une jarre vénitienne, du sel de saison dans une boite en argent, et du poivre à saupoudrer avec un petit cône de papier.
Au sommet de cette composition pyramidale se trouve un magnifique gobelet en bronze doré.
Le repas semble pourtant terminé, au vu du désordre apparent. La vaisselle est éparpillée voire couchée sur la table, un verre a même été cassé. La mèche de la bougie a été coupée.
Ces objets sont le symbole du caractère fugace de la vie, des rappels de la nécessité de se tenir préparer pour la mort et le Jugement Dernier. Les huitres sont également porteuses de sens : elles étaient déjà considérées comme aphrodisiaques, et donc elles signifient la luxure, le péché de la chair. Au centre de la composition se trouve un dernier met qui n’a pas été mangé. Trop occupé à profiter des plaisirs de la chair, les banqueteurs ont oublié de manger ce qui pourtant aurait pu les sauver : le pain de la vie, symbole du corps du Christ dans l’Eucharistie. Pour cette-dernière remarque, il faut évoquer le conteste religieux de l’époque, les protestants n’admettent pas le fait que le vin soit associé au sang du Christ et le pain à son corps (ce que les catholiques appellent la transsubstantiation). Ce délaissement du pain, donc le corps-même du Christ, symbolise encore une fois que les banqueteurs se sont adonnés aux passions humaines, plutôt que de porter attention à la religion. La nappe de la table apparait alors comme étant une référence au linceul christique, l’ombre de la vaisselle et des mets apparaissent nettement sur celui-ci, ce qui n’est pas anodin en terme de composition.
Un détail retient le regard : le reflet de la carafe en argent qui est ouverte : avec un peu d’imagination et en faisant pivoter ce reflet on peut distinguer la forme d’un crâne.
La taille importante de ce tableau fait que les objets représentés sont à taille humaine, d’où cette impression forte de réalisme.
Cette nature morte de vanité évoque les biens terrestres (première catégorie) puisqu’on y voit de la nourriture de luxe, des beaux plats à servir en argent et bronze doré, chandeliers, assiettes. Mais elle renvoie également à la deuxième catégorie : la fuite du temps, avec le symbole des citrons qui s’oxydent rapidement et donc qui perdent leur belle couleur en peu de temps; et la bougie. Enfin, on peut voir dans la présence du pain et de la nappe blanche des symboles christiques faisant référence à la rédemption et la vie éternelle.
Ainsi, non seulement les peintures de l’Age d’or sont très variées en terme d’objets représentés, mais la catégorisation n’apporte pas une clé de lecture puisque ces trois axes sont intimement liés.
Clémence L.