Vanité des plaisirs : étude du tableau de Jan Miense MOLENAER

Jan Miense Molenaer, Allégorie de la vanité ou Femme à sa toilette, 1633, 102 x 127 cm, Toledo Museum of Art, Toledo, Ohio.

Jan Miense Molenaer, Allégorie de la vanité ou Femme à sa toilette, 1633, 102 x 127 cm, Toledo Museum of Art, Toledo, Ohio.

         La courte biographie qui suit provient de l’encyclopédie en ligne larousse.fr, le directeur de la publication est Isabelle Jeuge-Maynart, et l’hébergement du site est assuré par la société Hachette Livre. La navigation dans ce site est très simple, les différents thèmes sont regroupés selon les dictionnaires français, les dictionnaires bilingues et une encyclopédie.

        Ensuite, le site sur lequel j’ai pu trouver des éléments iconographiques et le cartel complet de l’oeuvre est utpictura18.univ-montp3.fr. C’est une base de données iconographiques, permettant d’associer images et textes du Moyen-Age jusqu’aux Lumières. Les images sont mises en rapport avec leur cartel complet ainsi qu’une indexation des objets constituant l’image. Le site comporte aussi des cours en ligne, des articles, des définitions méthodologiques et théoriques ainsi que des outils pédagogiques. Pour ce qui concerne la recherche, dans l’onglet « image en ligne » se trouve différents types de recherche, soit simple où l’on peut taper un ou des mots clés, soit par liste (selon la technique) ou encore soit par périodes historiques. L’interface paraît à première vue peu professionnelle mais en réalité c’est une très bonne et utile base de données avec une recherche simple et ludique. Ce programme est développé par le Centre interdisciplinaire d’Etude des Littératures d’Aix-Marseilles. Les auteurs sont Benoît Tane, maître de conférences en littérature comparée à l’université de Toulouse-Le Mirail et Stéphane Lojkine, professeur de littérature française du XVIIIe siècle à l’Université d’Aix-Marseille. Ils ont fait tous deux de multiples publications pour en savoir plus vous êtes invités à aller voir dans l’onglet « qui sommes-nous ? ».

        Enfin pour avoir plus amples informations sur ce tableau j’ai consulté le site du Musée où il se trouve: le Toledo Museum of Art de l’Ohio (Etats-Unis), qui propose aussi une description du tableau.

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        Jan Miense MOLENAER (1610-1668) est un peintre néerlandais de Haarlem. C’est surtout un peintre de scène de genre, il est fortement influencé par son maitre Franz Hals, et il collabore aussi lorsqu’il est à Amsterdam en 1648 avec Jan Lievens, qui peignait souvent des vanités et natures mortes.

       Dans ce tableau tout n’est qu’apparence et transparence: le reflet dans le miroir, les bulles de savon, les richesses du décor.

       Le tableau représente une jeune femme au miroir se faisant peigner les cheveux par une servante, en face d’elle se trouve un petit garçon jouant à faire des bulles. En-dessous de son pied gauche se trouve un crâne. Nous nous trouvons dans un intérieur de riches hollandais décoré d’instruments de musique et de luxueuses draperies. Un tapis importé de Turquie qui symbolise l’importance des échange commerciaux entre les ports du Nord (VOC) et l’Orient, la robe de satin et fils d’or rappelant la couleur des cheveux de la jeune femme, puis un petit coffre à bijoux d’où débordent de multiple diamants, perles, ors et autres. C’est une scène du quotidien de la maitresse de maison.

        Tous ces éléments renvoient aux symboles des vanités: le crâne (la mort), les bulles de savon (la fragilité de la vie), les instruments de musiques (le divertissement qui éloigne de la vie spirituelle), et le thème de la femme au miroir (le narcissisme, une autre vanité). Le singe enchainé à ses pieds peut représenter le genre humain volontairement captif de ses instincts les plus primaires.

        Cette représentation renvoie à la première définition de la vanité, dans le sens où elle est le plus employée aujourd’hui : celle d’une personne orgueilleuse, narcissique et égoïste. Rappelons d’ailleurs à ce propos le mythe de Narcisse tombant amoureux de son propre reflet. Ce thème de la femme au miroir dénonce l’hypocrisie des apparences, qui mène à la perte, voire à la mort.

       On note le thème de la musique, celui des riches bijoux, et draperies, selon les « trois catégories de la vanités». La représentation des instruments de musique symbolisent la vanité des biens terrestres et ici des plaisirs. La musique peut être considérée comme un plaisir vain et profane qui suscite les passions inutiles.

Clémentine J.

Les natures mortes de gibier du peintre néerlandais Jan Weenix (1640-1719)

       Galerie-photo est un site consacré à la photographie haute résolution dont le thème de fond est l’enrichissement culturel de la photographie y compris par le rapprochement avec la peinture. Dans ce cadre, un article y a été consacré à l’étude des œuvres du peintre Jan Weenix notamment. L’auteur de l’article est Henri Peyre, professeur de photographie à Nîmes et créateur du site internet galerie-photo.com. Il mène lui-même une recherche sur la confusion entre la photographie et la peinture, au travers de natures mortes photographiques (www.photographie-peinture.com).

       L’artiste Jan Weenix a différentes compétences : le dessin et la peinture bien sur, mais il produisait également des décors. Il est connu pour ses natures mortes de gibiers morts. Il a fait le voyage en Italie ce qui l’a beaucoup influencé.

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Jan Baptist Weenix (1621–circa 1660) – Huile sur toile, vers 1647-1660, 180 × 162 cm, (Rijksmuseum Amsterdam)
Source : http://www.galerie-photo.com/composition-jan-weenix.html

La symbolique des natures mortes de gibier

      La chasse a commencé à être règlementée vers 1500 par le droit romain, en particulier la vènerie (chasse à courre). En Allemagne le paysan n’était pas autorisé à pratiquer cette activité, avec une exception pour la chasse au sanglier. Les princes sont seuls autorisés à pratiquer la « grande vènerie » alors que pour les nobles et le haut clergé seulement la «petite vènerie».

      C’était donc une activité réservée aux plus riches et puissants. C’est en ce sens que l’on peut penser à une vanité. Tout comme les repas fastueux où les tables sont recouvertes de fruits et légumes, volailles et viandes de tout genre, dans les scènes de Weenix les animaux morts montrent l’abondance et les plaisirs humains de se nourrir allègrement. 

     Le fait que les animaux soit représentés morts, mais dans toute leur beauté par des jeux de lumière, une minutie du détail et un rendu de la matière, cela renvoie à l’esthétisme des vanités néerlandaises de l’époque, faites pour rappeler la fragilité de la vie humaine et la nécessité d’avoir une vie spirituelle pour préparer la vie éternelle.

      En outre Jan Weenix ouvre souvent ses natures mortes sur un paysage lointain, qui selon Henri Peyre oscille entre « campagne sauvage ou idéalisée ». Cet élément provient de son voyage à Rome et à la présence quasi constante des paysages dans les oeuvres de ses contemporains italiens.

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Jan Weenix (1642-1719) – Scène de chasse animée dans un paysage, Huile sur toile, 1700, 183 x 143 cm
Source : http://www.galerie-photo.com/composition-jan-weenix.html

      Henri Peyre nous donne une description précise et intéressante de cette oeuvre. « Les chiens sont fourbus, les animaux sauvages sont maintenant endormis dans la paix du long repos. L’homme noir, symbole exotique de la sauvagerie humaine en ces temps d’expansion européenne, lui aussi domestiqué, tient placidement la longe du cheval. Tandis que la chasse se termine tranquillement en arrière-plan, on est au moment de cette scène rentré à la maison. La première pierre sur laquelle ont été jetés le lièvre et les oiseaux morts, les armes posés sur ce qui est un sol régulier, peut-être déjà une terrasse, signalent qu’on est à présent aux limites du domicile, qu’on a un pied dans l’habité. On ne joue dans cette peinture le sauvage que pour exhaler l’apaisement et la beauté du domestique. »

      La mise en perspective de la nature morte par la présence d’un paysage. 

      La nature morte de gibier dans cette oeuvre se trouve au premier plan. La composition est en trompe l’oeil. On y voit un muret sur lequel gisent des animaux morts. On a presque l’impression que la nature morte de gibier repose sur un tableau car la teinte diffère par son éclat de la partie qui se situe juste derrière avec le chasseur. La perspective est très marquée : la ligne de fuite suit le chemin jusqu’à la mer et les montagnes. La lumière chaude de l’horizon fait un rappel avec la fourrure du lapin.

       Un tableau de chasse est toujours organisé de la même manière : le gibier git aux portes de la maison du propriétaire. Pour rendre plus gai ce type de  composition, des animaux exotiques sont ajoutés à côté du traditionnel gibier, ou encore des animaux vivants, non chassés. Ici l’animal exotique est le singe. Le petit chien frisé à droite rehausse ce sujet morbide. Le parc dans le fond, qui s’étend à perte de vue, rappelle la voie droite de la rédemption pour accéder à  la vie éternelle symbolisée par le coucher de soleil.

Clémence L.

Quelques exemples de symboles des vanités : les fruits et légumes

        Un document a été mis en ligne par le Musée des Beaux Arts de Bordeaux à l’occasion de l’exposition sur la peinture hollandaise du XVII ème siècle. Il a été conçu par Isabelle Beccia, responsable du service culturel du musée. Il s’agit d’une synthèse de plusieurs ouvrages sur le thème notamment des animaux vivants et morts représentés dans les nature mortes de vanités. 

     L’abricot, par sa forme et sa couleur renvoie communément à la sexualité et donc à la déesse Vénus. D’un point de vue biblique il est symbole de la Trinité : sa peau, la chair et son noyau.

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Stilleven met bloemen en fruit, Jan Evert Morel (I), 1800 – 1808
olieverf op paneel, h 40.5cm × w 32.5cm.
Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/collection/SK-A-706

     L’artichaut

     C’est un aliment aphrodisiaque, non mentionné dans la Bible, mais présent dans les traités botaniques du XVI ème siècle où il était un emblème de la découverte botanique, une sorte de symbole de l’exotisme. Son aspect curieux lui donne une connotation liée à l’extravagance. Les égyptiens l’utilisaient dans leurs hiéroglyphes pour traduire l’idée de la fragilité humaine.

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Blad met bloemen: middenonder drie rozen tussen twee artisjokken, Adriaen Collaert, 1570 – before 1618
Source : https://www.rijksmuseum.nl/nl/collectie/RP-P-BI-5994/birds-flowers

      L’asperge

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Still Life with Asparagus, Adriaen Coorte, 1697
Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Adriaen_Coorte

       Pline l’Ancien racontait que les asperges étaient le produit de cornes de bélier qui auraient été enterrées dans le sol. L’asperge est associée à la puissance sexuelle. C’est en effet un aliment qui aurait des vertus aphrodisiaques. 

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Landschap met groenten en vruchten op de voorgrond., Abraham Bloemaert, 1600 – 1651
Source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Abraham_Bloemaert_-_Landschap_met_groenten_en_vruchten_op_de_voorgrond.jpg

       Les cerises 

      La couleur rouge des cerises renvoie à la Passion du Christ, et notamment au sang du Christ. C’est également un emblème du Paradis, et donc un rappel pour les hommes de la vie éternelle. 

Une autre symbolique lui attribut un lien avec la Vierge, et notamment l’Annonciation et le Couronnement du Christ. 

Enfin, la cerise peut être symbole de sensualité, ou de volupté. 

Le citron

      Pline l’Ancien le citron incarne la fidélité en amour. Dans le mythe de Vénus et d’Adonis, quand ce dernier meurt Vénus fait pousser un arbre en mémoire de lui et le couvre de fleurs blanches et de citrons, symbole de fidélité. 

Parfois le citron est représenté tranché, son écorce apparente. Cela symbolique le déroulement de la vie terrestre, au cours duquel l’homme est sensé se détacher de son enveloppe corporelle pour élever son esprit. 

Adriaen van Utrecht, Still life, 1644, 185 × 242.5 cm, Rijksmuseum Source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Adriaen_van_Utrecht_001.jpg

Adriaen van Utrecht, Still life, 1644, 185 × 242.5 cm, Rijksmuseum
Source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Adriaen_van_Utrecht_001.jpg

La courge 

Jan Davidsz. de Heem, (détail) Festoon of Fruit and Flowers, 1660 - 1670 huile sur toile, h 74cm × w 60cm. Rijksmuseum Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=still+life&p=2&ps=12&ii=2#/SK-A-138,14

Jan Davidsz. de Heem, (détail) Festoon of Fruit and Flowers, 1660 – 1670
huile sur toile, h 74cm × w 60cm.
Rijksmuseum
Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=still+life&p=2&ps=12&ii=2#/SK-A-138,14

       La courge est un emblème de fécondité et de prospérité. Dans la culture biblique la courge est associée aux saints voyageurs, du pèlerin. C’est un symbole de résurrection. Dans la Bible, Dieu fait pousser une courge pour donner de l’ombre au prophète Jonas épuisé.

Clémence L.

Jan Davidsz. de Heem, Festoon of Fruit and Flowers,  1660 - 1670 huile sur toile,  h 74cm × w 60cm. Rijksmuseum Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=still+life&p=2&ps=12&ii=2#/SK-A-138,14

Jan Davidsz. de Heem, Festoon of Fruit and Flowers, 1660 – 1670
huile sur toile, h 74cm × w 60cm.
Rijksmuseum
Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=still+life&p=2&ps=12&ii=2#/SK-A-138,14

Les animaux dans les vanités

Nature morte aux poissons Détails  Pieter Boel (1622-1674)  Huile sur toile, vers 1660  Cliché - Bertrand Legros  © Chateau-Musée de Dieppe, Dieppe

Nature morte aux poissons Détails Pieter Boel (1622-1674) Huile sur toile, vers 1660 Cliché – Bertrand Legros © Chateau-Musée de Dieppe, Dieppe

       Le site internet de la Bibliothèque Nationale de France héberge un site, http://classes.bnf.fr/index.php, qui est un portail vers un corpus de mini-sites selon la recherche par mots-clés que l’on effectue. Ce site met à disposition des documents en ligne à des fins pédagogiques sous la forme de PDF. La direction de la publication est composée de Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France et Thierry Grillet, directeur de la Diffusion culturelle. L’interface est attrayante, beaucoup d’informations concernant l’actualité des expositions est en ligne et ainsi que d’autre évènements culturels.

Capture d'écran http://classes.bnf.fr/

Capture d’écran http://classes.bnf.fr/

       Dans le cadre de la recherche sur le thème de la symbolique des animaux dans la peinture, le mot-clé « bestiaire » donne accès à deux PDF. La période concernée est le Moyen Age mais certains symboles sont une constante au fil des siècles en peinture dans la culture européenne. On note toutefois que ces sites concernent des expositions et comme le projet est récent, on fait rapidement le tour de ces ressources.

        Un document a été mis en ligne par le Musée des Beaux Arts de Bordeaux à l’occasion de l’exposition sur la peinture hollandaise du XVII ème siècle. Il a été conçu par Isabelle Beccia, responsable du service culturel du musée. Il s’agit d’une synthèse de plusieurs ouvrages sur le thème notamment des animaux vivants et morts représentés dans les nature mortes de vanités. 

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Capture d’écran PDF mis en ligne par le musée des BA de Bordeaux, accessible via Google en téléchargement direct

Voici les symboliques de quelques animaux :

L’agneau

       Il fait bien sur référence à Jésus Christ sacrifié pour les hommes, en victime. Raban Maur, moine bénédictin et archevêque de Mayence en Allemagne, qui a vécu au IX ème siècle, était également un théologien réputé. Il a rédigé une Encyclopédie des Choses, et des traités d’éducation et de grammaire ainsi que des commentaires de la Bible. Il explique que Jésus Christ et l’agneau sont liés car l’agneau est pure et immaculé, et qu’il est utilisé à titre de sacrifice dans les rites, tout comme Jésus fut tué sur terre. Toujours dans une tradition biblique, l’agneau est associé aux apôtres et donc aux innocents, donc à ceux qui se sont repentis.

Au XVII ème siècle ce n’est pas une iconographie très employée dans l’Europe du Nord, voici deux exemples :

Un peintre Espagnol :

Josefa de AYALA, nature morte, 1679, (sans indications supplémentaires)

Josefa de AYALA, nature morte, 1679, (sans indications supplémentaires) Source : http://en.wikipedia.org/wiki/File:JosefaObidos4.jpg

L’agneau est représenté ci-dessus déjà découpé, amassé avec d’autres types de viandes pour souligner le faste.

Voici un exemple d’un peintre Français : 

DE SPORTES Alexandre-François,Nature morte aux perdrix piquées, faisans, quarrés d'agneau fruits et poires de bon Chrétien,Gros & Delettrez,Paris (sans indications des dimensions) Source : http://www.artvalue.com/auctionresult--de-sportes-alexandre-francois-nature-morte-aux-perdrix-pique-2855422.htm

DE SPORTES Alexandre-François,Nature morte aux perdrix piquées, faisans, quarrés d’agneau fruits et poires de bon Chrétien,Gros & Delettrez,Paris (sans indications des dimensions)
Source : http://www.artvalue.com/auctionresult–de-sportes-alexandre-francois-nature-morte-aux-perdrix-pique-2855422.htm

Tortue, coquillage et poisson

Nature morte aux poissons Détails  Pieter Boel (1622-1674)  Huile sur toile, vers 1660  Cliché - Bertrand Legros  © Chateau-Musée de Dieppe, Dieppe

Nature morte aux poissons Détails Pieter Boel (1622-1674) Huile sur toile, vers 1660 Cliché – Bertrand Legros © Chateau-Musée de Dieppe, Dieppe

         La coquille, déjà évoquée et tout autre mollusque, invoque la tombe des défunts. Les huitres, mis à part la dimension érotique du fait de leur caractère aphrodisiaque, abritant des perles signifient l’humilité du sage et du saint. La perle est la connaissance cachée, la sagesse qui est tirée des enseignements de Dieu. 

        Dans un même registre, la tortue représente la terre et le ciel. Quand elle est représentée droite sur ses pattes il s’agit de l’image de la voute céleste, son dos arrondi rappelant la vision du ciel. Renversée elle représente la terre, demeure des hommes. Plus vulnérable sur le dos, elle renvoie à la fragilité de la vie ; sur ses pattes elle incarne la vie éternelle sous la protection de Dieu

         Le site des musées de Haute Normandie a des pages consacrées à des oeuvres d’art. La fiche sur l’oeuvre de Pieter Boel,artiste anversois du XVII ème siècle, « Nature morte aux poissons » peinte vers 1660 a été très utile pour la symbolique des coquillages, huiles et tortues. On note cependant la caractère peu pratique de ce site, qui dans l’onglet « à découvrir », propose des images d’oeuvres sans cartels, sans indication de dates, périodes ou autre. 

La chouette

Vanité à la chouette (auteur anonyme). XVIIe siècle.

Anonyme, XVII ème siècle, vanité à la chouette, Musée des Beaux-Arts de Dijon (sans indication de dimensions) Source : http://eclaircie.canalblog.com/archives/2011/02/28/20505458.html

Anonyme, XVII ème siècle, vanité à la chouette, Musée des Beaux-Arts de Dijon (sans indication de dimensions)
Source : http://eclaircie.canalblog.com/archives/2011/02/28/20505458.html

        C’est un oiseau de nuit qui a eu différentes symboliques. A l’Antiquité, associée à Athéna, elle représentait la sagesse, l’image de son habilité à voir dans la nuit représentant le fait d’être clairvoyant. Dans le monde romain, la chouette avait une connotation négative, accusée de boire le sang des enfants la nuit. Au Moyen-Âge la chouette est associée à la tromperie, profitant de la nuit pour chasser pour attraper ses proies plus facilement. Les chouettes furent souvent clouées aux portes pour conjurer les mauvais sorts.

La grenouille 

      Le directeur du musée des Beaux-Arts de Bordeaux résume les différents sens qu’ont pris les grenouilles dans l’histoire de l’Art : à l’Antiquité cet animal était symbole de fécondité, au Moyen Age la grenouille était mal vue, renvoyant à la luxure, et associée au crapaud qui incarne l’avarice. 

       Le Maitre de la Raison, graveur et peintre de la fin du XVème siècle actif à Amsterdam, utilise la grenouille pour représenter les pécheurs imprudents que le destin surprend.

       Plus tard, Jacob Cats dans ses emblèmes (disponibles sur internet ici) représente une grenouille au premier plan de son emblème « tibi mors, mini vita » ce qui signifie, selon les mots d’Olivier le Bihan, directeur du musée des Beaux-Arts lors de l’exposition : « au creux de la main gauche d’une jeune fille courtisée par un prétendant l’animal évoque l’alternative entre l’amour et le plaisir, la grenouille aquatique suffoquera dans la main de la virage qu’enflamme un désir déshonnête ». 

Jacob Cats, "Tibi Mors mini vita",  Sinne- en minnebeelden (1627) Source : http://emblems.let.uu.nl/c1627_introduction.html?lang=eng

Jacob Cats, « Tibi Mors mini vita », Sinne- en minnebeelden (1627)
Source : http://emblems.let.uu.nl/c1627_introduction.html?lang=eng

          Plus généralement maintenant, il faut aborder la symbolique des gibiers présents dans les natures mortes de l’Age d’Or.

          La chasse à courre était une activité noble, chère, très populaire au Moyen Age surtout, mais qui conserve cette image d’activité prestigieuse. Outre le fait qu’une nature morte de gibier puisse vouloir incarner la vanité humaine  dans sa définition de « fierté, orgueil », l’action complaisante de tuer moins fort que soi pour se faire valoir, la chasse est aussi un symbole chrétien. En fait, elle est associée au combat mené par le mal contre l’âme du croyant.

       La volaille et le gibier représentent la victime du sacrifice mais également la dimension du faste, l’abondance et la richesse. Ces deux éléments paradoxaux veulent signifier la difficulté de la recherche spirituelle dans la vie quotidienne de l’homme qui se laisse distraire par les biens matériels. Olivier Le Bihan explique que « Si le motif du gibier s’impose d’abord au sein ce genre de tableau comme l’image d’une mort instantanée qui suspend brutalement toute forme d’activité, on ne doit pas oublier non plus que la chasse figure elle-même parmi les occupations futiles dans un certain nombre de vanités datant de la seconde moitié du dix-septième siècle (…) la mythologie du chasseur n’est du reste pas indemne de toute critique sociale ou morale. En donnant la préséance au pasteur sur le chasseur, la Bible condamnait déjà l’imprévoyant Esaü à céder son droit d’ainesse à Jacob son cadet plus industrieux et réfléchi ». 

Clémence L. 

Fleurs, insectes et vanités au Rijksmuseum

Le bouquet de fleur : vanité ou anti-vanité ?

       Le Rijksmuseum possède une très grande collection de peintures représentant des bouquets de fleurs. Il s’agira à travers deux tableaux de comprendre en quoi peut-on voir dans un bouquet de fleurs une vanité. Nous étudierons les différentes symboliques des variétés de fleurs puis les celles des insectes ou petits animaux présents au près de ces bouquets.

       En tant que sources iconographiques,  Memory of the Netherlands fut une ressource utile, en écrivant les deux mots clés côte à côte « bloemer stilleven » (fleurs nature morte). Cette base de recherche est très utile, même si l’aspect esthétique parait ancien son moteur de recherche est efficace.  Il est possible d’écrire des mots clés en anglais ou bien en néerlandais. L’avantage lorsque nous sommes sur une page concernant un tableau, une photographie, etc… c’est que figure le cartel complet de l’oeuvre, parfois même ses anciens propriétaires. S’y trouvent les dates de vie de l’artiste, son nom complet, le ou les dates de l’oeuvre, ses dimensions, sa technique, son lieu de conservation et sa source. Ceci atteste du sérieux de ce site.

       Egalement pour ce qui est des ressources, un fichier pdf de la médiathèque de Tresses, réalisé par Isabelle Beccia, responsable du service culturel du musée des beaux-arts de Bordeaux, en 2011, a été utile. Cette étude est vraiment très complète et approfondie, elle traite de l’iconographie des vanités, il y a un glossaire de tous les éléments qui peuvent être présents dans une vanité et de leurs symboliques, comme des objets, des fruits, des végétaux, des animaux. Tout ceci présenté de manière très claire, lisible et plutôt agréable, regroupé par thème et complété par des citations issues du livre d’Olivier Le Bihan, La peinture hollandaise du XVIIème siècle au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux (1990), ou autres ouvrages figurant dans une bibliographie à la fin de l’étude. Sont même cités des passages bibliques lorsque c’est nécessaire pour justifier l’interprétation d’un élément.

Capture d’écran du pdf de la médiathèque de Tresses

***

        Comme nous l’avons déjà évoqué , la nature morte, et plus précisément la représentation de fleur, est très chère aux peintres du Siècle d’Or hollandais. Bon nombres d’artistes se spécialisent en tant que « peintres de nature morte ». Pour l’artiste, le bouquet de fleur permet d’exprimer son talent artistique, sa rigueur du détail et le travail du modelé, ainsi que de la lumière. Ils aiment aussi essayer de représenter des fleurs en pleine vie voire même le moment où elles commencent à fâner.

         Voici deux tableaux de peintres hollandais.

Hans Bollongier, Stilleven met bloemer, 1639, huile sur toile, 67.6 × 53.3 cm, Rijksmuseum, Asterdam

Hans Bollongier, Stilleven met bloemer, 1639, huile sur toile, 67.6 × 53.3 cm, Rijksmuseum, Amsterdam

       Le premier est du peintre Hans Bollongier, Nature morte avec fleurs de 1639. C’est un artiste originaire de Haarlem qui est né en 1600 et mort en 1645.

Balthasar van der Ast, Stilleven mit bloemen, 1630, huile sur toile, 59 × 43 cm, Rijksmuseum, Amsterdam

Balthasar van der Ast, Stilleven mit bloemen, 1630, huile sur toile, 59 × 43 cm, Rijksmuseum, Amsterdam

      Le second porte le même titre et il a été réalisé par Balthasar van der Ast en 1630, il est né à Milddelbourg en 1593//1594 et est mort en 1657 à Delf.

       Les fleurs

      Nous voyons dans ces toiles -et notamment dans la première- des fleurs de tulipes tachetées, en ce qui concerne cette particularité un article a déjà été fait dessus:  La tulipomanie.

      D’après la source présentée précédemment de la médiathèque de Tresses, nous pouvons apercevoir en plus des tulipes des roses, des pivoines, du muguet, et bien d’autres encore, ainsi que des herbes sèches.

      Le plus souvent, les fleurs coupées rappellent les choses passagères de la vie, la volupté, la luxure. Les étapes de floraison de ces fleurs renvoient aux âges de l’homme. La beauté des fleurs est très éphémère : elles ne durent qu’un temps, souvent le temps d’une saison, le printemps et l’été. La beauté des fleurs renvoient à la beauté des femmes, c’est un rappel de ce que les plaisirs de la vie sont passagers. Dans le bouquet de Balthasar van der Ast nous remarquons quelques branches de muguets, une fleur qui ne fleurie qu’au mois de mai et ne dure que quelques semaines. Le bouquet est une image du paradis sur terre, où tous les sens humains sont stimulés.

       La rose est d’autant plus représentative des plaisirs passagers de la vie, qu’elle est le symbole de la déesse de la beauté, de l’amour, de la fécondité Venus/Aphrodite mère de Cupidon/Eros qui pique par des flèches d’amour les êtres, un peu comme la rose qui symbolise l’amour et qui peut ainsi blessée.

      Il est peu évident d’attribuer les bouquets de multiples et belles fleurs au genre des vanités, car ils ne rappellent pas explicitement les dangers des passions de la vie. Cependant les artistes choisissent souvent de représenter ces bouquets avec des fleurs sur le point de faner, ce qui évoque leur fragilité et rappelle qu’elles sont très éphémères. Généralement les représentations des vanités sans caractère religieux  sont plutôt strictes quant à la finitude de la vie. Au contraire les fleurs font parties du cycle de la vie et des saisons: elles naissent, meurent, deviennent poussières, puis repoussent. Par exemple, les herbes sèches font allusion au verset du premier Epître de saint Pierre : « car toute chair est comme l’herbe et toute sa gloire comme fleur d’herbe ; l’herbe se dessèche et sa fleur tombe ; mais la parole du Seigneur demeure pour l’éternité » (1-24,25). A partir de cela nous pouvons élargir notre propos en affirmant que les peintures de vanités ayant un fort caractère religieux ne sont pas si pessimistes, dans le sens où nous aussi, humains, nous sommes voués à cette aspect cyclique et donc éternel, auprès de Dieu. C’est pourquoi nous pouvons dire que les vanités sont comme des avertissements pour se remettre dans le droit chemin avant qu’il ne soit trop tard.

      Les invertébrés 

       Dans ce genre de bouquets de fleurs qu’on pourrait voir comme des vanités, il est très fréquent d’apercevoir de petits insectes, ou bien des coquilles, coquillages, et comme on peut le voir ici, des escargots.

       Tout d’abord, en ce qui concerne l’escargot il a plusieurs significations selon le sujet représenté, mais le plus souvent il est à mettre en lien avec la féminité, comme Marie « peine de grâce ». En effet, la femme est « remplie d’eau », conception liée à la fertilité. C’est pourquoi souvent la Vierge Marie et la déesse Vénus sont associées à un récipient rempli d’eau. Dans le tableau de Bollangier on voit ce petit escargot glissant sur le rebord de la table où est posé le vase de fleurs, mais à son extrémité se trouve un lézard, symbolisant directement la mort. C’est un être qui aime les endroits ombragés et terrestres, ce qui nous fait penser à l’endroit où le corps se trouve lorsqu’il est inhumé. Cependant et paradoxalement encore une fois, se trouve la destinée cyclique du temps, par la présence d’une chenille à coté de cet escargot. Chenille, être éphémère lui aussi, mais qui se transforme en un joli papillon. Est évoquée ici l’idée de la rédemption : s’il on rentre dans le droit chemin et que l’on arrive à se détacher des vanités humaines, le paradis nous est encore ouvert. Les belles fleurs peuvent alors aussi représenter ce paradis céleste. On trouve aussi une libellule dans le tableau de Balthasar van der Ast. En grec, le mot « psyché » signifie à la fois âme et papillon, c’est pourquoi depuis l’Antiquité ce petit animal est considéré comme psychopompe, un être qui se saisit de l’âme lorsque notre corps s’éteint, pour  la guider vers les cieux. On rejoint encore une fois l’idée de l’espérance qu’après la mort il y ait dans la religion chrétienne la résurrection  et une vie éternelle auprès de Dieu. Nous pouvons voir que dans le tableau de Balthasar van der Ast un papillon est présent auprès des fleurs, qui vont bientôt mourir ou plutôt faner.

       Dans ce même tableau se trouve trois coquilles vides de mollusque de la mer. C’est le symbole du sexe féminin, comme tout coquillage (qui sont aussi des attributs de Venus). Symbole du sexe féminin et donc, comme l’escargot,  de la féminité, de la fécondité mais cette fois-ci avec l’idée de la chasteté. De plus ses coquillages sont au nombre de trois et rappelle d’autant plus le moment de l’Annonciation et de l’Incarnation du Christ, et la Sainte Trinité. Ces coquillages sont délaissés sur le rebord de la table, ce qui représente le délaissement de la foi et des Saints Commandements au profit des vanités humaines (gloire, luxure, richesse, faste etc.)

     Pour finir, la représentation des êtres comme la mouche dans ces bouquets fleuries renvoie explicitement à la souillure due au péché et au corps promu à la décomposition. La mouche rappelle la simple condition de l’homme s’il n’obéit pas aux règles sacrées de Dieu, sans promesse de résurrection et de vie éternelle.

      A travers cet article nous avons pu présenter une nouvelle forme de vanité, se trouvant dans  le règne animal et végétal. Mais nous avons pu voir que ces représentations sont paradoxales car elles évoquent à la fois le caractère éphémère de la vie et des passions, ainsi que le caractère cyclique de celle-ci. C’est pourquoi nous pouvons parler d’anti-vanité, car il y a un espoir de rédemption, de renouveau.

Clémentine J.

Les trois catégories de vanités en peinture

      L’historien de l’Art et professeur suédois Ingvar Bergström découpe les vanités en trois catégories distinctes. 

– La première est l’évocation de la vanité des biens terrestres. Les représentations de ce type de vanité comportent de l’argent, des bijoux, des objets précieux de collections, des armes, couronnes et régalias, pipes, fromages, pommes de terre, jambon, instruments de musique et jeux, tout ce qui renvoie à la vanité des plaisirs. 

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Pieter CLAESZ, Vanitas Still Life with the Spinario, 1628. Huile sur toile, 70.5cm × 80.5cm, Rijksmuseum.
Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/my/collections/143972–guust-cleiren/gouden-eeuw-stillevens/objecten#/SK-A-3930,5

– La seconde catégorie est l’évocation du caractère transitoire de la vie humaine. Donc c’est tout l’imaginaire des crânes, des instruments de la mesure du temps, des montres et des sabliers, des bougies et lampes à huile, du feu, des fleurs etc. 

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B. SCHAAK, Vanitas stilleven,1675 – 1700, Huile sur toile, 47cm × w 40.5cm
Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/my/collections/143972–guust-cleiren/gouden-eeuw-stillevens/objecten#/SK-A-844,32

– La troisième et dernière catégorie renvoie aux symboles de résurrection et de vie éternelle. Il s’agirait d’épis de blé, de couronnes de lauriers et d’écus de chêne. 

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Jacob van CAMPEN, Vanités au crâne et couronne de laurier, avec deux bougies allumées, 1645 – 1650, Huile sur toile, 86.6cm × 86cm, Rijskmuseum
Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=lauwerkrans&p=4&ps=12&ii=5#/SK-A-4254-3,42

       Les oeuvres illustrant ces catégories ont été trouvées sur le site du Rijksmuseum. Outre le fait de pouvoir créer son studio, c’est-à-dire sa propre collection de peintures selon des mots clés ou thèmes de son choix, la facilité avec laquelle on peut « explorer la collection » est un point fort de ce site car ce musée possède un nombre spectaculaire de gravures, dessins, peintures qui concernent directement le sujet des vanités. Le moteur de recherche permet de réaliser des recherches en anglais, mais on se rend bien compte que pour atteindre les studios, très utiles, crées par des abonnés, il faut plutôt utiliser des mots néerlandais. Le seul problème de ce site est qu’il n’est pas possible de le « suivre » sur un outil tel que Netvibes par exemple, car il ne possède pas de flux RSS. 

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Source : capture d’écran https://www.rijksmuseum.nl/en/search

       Pour la partie sur l’oeuvre de Heda, la National Gallery de Washington met à disposition des enseignants des dossiers pédagogiques. Sous forme de PDF, ce dossier concerne la période de l’Age d’or en Hollande. Cette publication date de 2007 et a été réalisée par un certain nombre de professeur, du département des « publications éducatives ». Ce dossier est accessible sur le site de la National Gallery directement et comporte une soixantaine de pages. 

 

 

                Les limites de cette catégorisation

       Mais cette catégorisation n’est pas toujours pertinente : en effet ces catégories ne sont pas étanches. En voici l’illustration par le commentaire d’une oeuvre.

      L’artiste, Willem Claesz Heda, est néerlandais, il est né en 1593/1594 et mort 1680. Il est l’un des plus grands peintre néerlandais de nature mortes notamment pour celles de petits-déjeuners et de banquets.

Willem Claesz Heda,  Dutch, 1593/1594–1680,  Banquet Piece with Mince  Pie, 1635, oil on canvas,  106.7=111.1 (42=43¾),  National Gallery of Art,  Washington, Patrons’  Permanent Fund����

Willem Claesz Heda, Dutch, 1593/1594–1680,
Banquet Piece with Mince Pie, 1635, oil on canvas, 106.7=111.1 (42=43¾),
National Gallery of Art, Washington, Patrons’ Permanent Fund

      La tartelette de Noël, ou tourte, était réservée pour les occasions particulières. C’était un met aromatisé aux épices très onéreuses. Les autres plats qui se trouvent sur la table sont également des plats de luxe : des citrons et olives importés, des huitres qui se consomment avec du vinaigre contenu dans une jarre vénitienne, du sel de saison dans une boite en argent, et du poivre à saupoudrer avec un petit cône de papier.  

     Au sommet de cette composition pyramidale se trouve un magnifique gobelet en bronze doré

    Le repas semble pourtant terminé, au vu du désordre apparent. La vaisselle est éparpillée voire couchée sur la table, un verre a même été cassé. La mèche de la bougie a été coupée. 

     Ces objets sont le symbole du caractère fugace de la vie, des rappels de la nécessité de se tenir préparer pour la mort et le Jugement Dernier. Les huitres sont également porteuses de sens : elles étaient déjà considérées comme aphrodisiaques, et donc elles signifient la luxure, le péché de la chair. Au centre de la composition se trouve un dernier met qui n’a pas été mangé. Trop occupé à profiter des plaisirs de la chair, les banqueteurs ont oublié de manger ce qui pourtant aurait pu les sauver : le pain de la vie, symbole du corps du Christ dans l’Eucharistie. Pour cette-dernière remarque, il faut évoquer le conteste religieux de l’époque, les protestants n’admettent pas le fait que le vin soit associé au sang du Christ et le pain à son corps (ce que les catholiques appellent la transsubstantiation). Ce délaissement du pain, donc le corps-même du Christ, symbolise encore une fois que les banqueteurs se sont adonnés aux passions humaines, plutôt que de porter attention à la religion. La nappe de la table apparait alors comme étant une référence au linceul christique, l’ombre de la vaisselle et des mets apparaissent nettement sur celui-ci, ce qui n’est pas anodin en terme de composition. 

     Un détail retient le regard : le reflet de la carafe en argent qui est ouverte : avec un peu d’imagination et en faisant pivoter ce reflet on peut distinguer la forme d’un crâne

Willem Claesz Heda, Détail n°1  Pièces de Banquet avec Tartelette de Noël, 1635, huile sur toile, 106,7 = 111,1 (42 = 43 ¾), National Gallery of Art, Washington, Patrons » Fonds permanent

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Zoom carafe, idem source.

     La taille importante de ce tableau fait que les objets représentés sont à taille humaine, d’où cette impression forte de réalisme

    Cette nature morte de vanité évoque les biens terrestres (première catégorie) puisqu’on y voit de la nourriture de luxe, des beaux plats à servir en argent et bronze doré, chandeliers, assiettes. Mais elle renvoie également à la deuxième catégorie : la fuite du temps, avec le symbole des citrons qui s’oxydent rapidement et donc qui perdent leur belle couleur en peu de temps; et la bougie. Enfin, on peut voir dans la présence du pain et de la nappe blanche des symboles christiques faisant référence à la rédemption et la vie éternelle. 

Ainsi, non seulement les peintures de l’Age d’or sont très variées en terme d’objets représentés, mais la catégorisation n’apporte pas une clé de lecture puisque ces trois axes sont intimement liés

Clémence L. 

La vanité représentée dans l’autoportrait de David BAILLY (1651)

David BAILLY, Autoportrait ou Vanité, Nature Morte avec portrait d'un jeune peintre, 1651, huile sur bois, 90 x 122cm, Stedelijk Museum, Leyde © Copyright Luc Rozsavolgyi 2004 - 2008

David BAILLY, Autoportrait ou Vanité, Nature Morte avec portrait d’un jeune peintre, 1651, huile sur bois, 90 x 122cm, Stedelijk Museum, Leyde
© Copyright Luc Rozsavolgyi 2004 – 2008

       Les ressources ayant permis cette recherche sont un site internet d’amateur et un blog, chacun ayant fourni une analyse de l’Autoportrait de David Bailly.

Capture d'écran du blog http://mydailyartdisplay.wordpress.com. Page "About"

Capture d’écran du blog http://mydailyartdisplay.wordpress.com. Page « About »

       La première ressource utilisée est un blog rédigé en anglais d’un amateur anglophone d’Histoire de l’Art faisant régulièrement des articles sur des oeuvres de toutes époques confondues. Son travail a débuté en  2010 : my daily art display. Ce blog est hébergé par WordPress. L’interface du blog est plutôt esthétique, avec un moteur de recherche par mots-clés, comprenant des noms de peintres ou des genres artistiques. On note un trop-plein de catégories cependant. Il aurait été plus didactique de faire plusieurs onglets dans le menu principal pour se repérer plus facilement. D’après ce que l’on peut lire dans certains de ses articles, l’auteur souhaite traiter d’oeuvres qui n’ont pas encore été beaucoup étudiées. Lorsque l’on tape « vanitas » dans la barre de recherche nous nous trouvons face à plusieurs articles traitant plus ou moins de la vanité. Malgré le peu d’informations sur l’auteur, sa formation, son âge, ou bien même son pays, je recommande ce blog car il est très intéressant et concentre bon nombre de présentations de tableaux, d’artistes, de mouvements artistiques. On peut suivre ce blog en recevant des alertes par mail. En ce qui concerne l’article sur l’Autoportrait de David Bailly, il est très complet, y figure également une courte biographie utile pour cerner l’artiste, ainsi qu’une description et une analyse de la vanité.

       Ensuite, un site français datant de 2003, réalisé un collaboration avec un professeur et plusieurs de ses élèves. L’auteur, Luc Rozsavolgyu, explique que ce site a pour objet de regrouper des extraits importants de ses cours donnés en Classe Préparatoire H.E.C et à l’Académie supérieure des Beaux-Arts. Le site en lui-même n’est pas pratique, mais j’ai voulu le citer car l’article traitant de l’Autoportrait de David Bailly est assez intéressant, bien que pas scientifique. L’esthétique de l’interface est peu agréable par sa couleur beaucoup trop criarde pour être appréciée et nous ne pouvons accéder aux différentes rubriques que par un code d’accès.  J’ai réussi a trouvé l’article en question uniquement par l’intermédiaire du moteur de recherche Google.

 ***

      Cet autoportrait comporte plusieurs nom : Vanité au portrait, Vanité, nature morte avec portrait d’un jeune peintre. C’est une huile sur bois de 1651 par le peintre néerlandais David Bailly né en 1584 et mort en 1657 à Leyde (actuels Pays-Bas), non loin de la région d’Amsterdam. Elle est actuellement exposé au Stedelijk Museum de Leyde.

       Leyde est à l’époque une ville concurrente d’Amsterdam sur le plan économique et celui de la production artistique. David Bailly a été portraitiste à Amsterdam. Souvent dans ses portraits sont mis en scène des natures mortes ayant pour objet une vanité. C’est à la suite de son Grand Tour de l’Europe qu’il peigna fréquemment des natures mortes et des vanités.

Une mise en abîme.

       Ce tableau a été peint lorsque l’artiste été âgé de 67 ans, or le sujet de l’oeuvre c’est un homme plutôt d’un jeune âge. Il est facilement aisé de le reconnaitre : c’est l’artiste lui-même, en plus jeune. Il nous présente de sa main gauche un autoportrait de son visage à l’âge où il peint le tableau. Cette scène est comme une projection du passé pour l’homme représenté dans le petit cadre ovale, ou bien du futur pour le jeune homme représenté. Quoiqu’il en soit, ces deux projections tendent vers la même fin : la vieillesse, la décomposition et la mort. C’est pourquoi dans l’autre partie du tableau se trouve une nature morte.

La représentation des arts et des connaissances

      On remarque qu’au dessus du creux de son coude gauche est suspendue au mur une palette nue qui symbolise la peinture. Au dessus de cette palette se trouve le dessin avec la représentation du Bouffon jouant du luth de Frans Hals (c.1623) qui découle de la représentation de la musique qui figure aussi avec une flute posée derrière l’autoportrait « vieux ».

sg

A gauche : Bouffon jouant du luth de Frans Hals, c.1623, Musée du Louvre, 70 x 62 cm. Source :  http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-bouffon-au-luth & A droite : détail de l’Autoportrait de Bailly, source: http://www.cynthia3000.info/celine-brun-picard/blog/index.php?tag/david-bailly

Enfin, le jeune homme présente avec sa canne les multiples objets qui se trouvent sur la table : la représentation de la  la sculpture avec une miniature de buste et d’une sculpture sur piedestal. Puis se trouve aussi un rouleau de papier et un livre, qu’on peut interpréter ici comme des symboles de connaissance. Le lien entre la partie gauche et la partie droite du tableau se fait par les bras du jeune homme. Ces divers objets font du ou des peintres représentés des personnes érudits ayant la connaissance des lettres et des arts.

Une vanité

     Associés à cette mise en abîme et à cette représentation des arts, des éléments symbolisant la finitude de la vie : des roses, une bougie éteinte d’où s’échappe de la fumée, des bulles de savons qui représentent la fragilité de la vie, puis le crâne et le sablier signifiant directement le destin funeste de chaque homme. Sont présents aussi des éléments représentant les passions humaines : un verre rempli d’un liquide ambré, peut-être de la bière ou du vin blanc très consommés à l’époque (il était commun d’être ivre dans cette région au XVIIème, beaucoup de représentations en manifestent), des pièces de monnaies, un collier de perles, un couteau en os ou en ivoire et un tissu noir précieux. Tout ceci est agencé pour que ce soit agréable aux yeux du spectateur. En dernier élément qui justifie que ce soit une vanité : la présence du verre au reflet rouge sang semblable à un calice et à une boule d’encens, y figure aussi des livres, peut être la Bible, renvoyant directement à la condamnation des passions par la religion chrétienne.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0d/David_Bailly_Vanitas1651.jpg

Détail de l’Autoportrait de David Bailly Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0d/David_Bailly_Vanitas1651.jpg

        Ce tableau est une mise en scène, car se trouve dans le coin droit du tableau un rideau qui peut faire penser au rideau du théâtre, que l’on dégage lorsque la scène commence et que l’on ferme lorsque c’est fini. Avec ce rideau, le tableau tend de nouveau vers l’ambiguïté du présent et du passé : on dégage le rideau pour montrer ce qui va arriver dans un futur plutôt lointain pour un jeune homme, ou bien on le ferme pour exprimer le faite que la « partie est finie », c’est la fin de la représentation.

Clémentine J.

Les enjeux de la représentation des vanités

       Pour répondre à ce sujet, Études épistémè, revue électronique publiée chaque semestre consacrée à l’étude de la littérature et de l’histoire en Europe du XVIe au XVIIe siècle, a été très utile. Elle est publiée par l’université de Paris III. La publication est dirigée par deux professeurs de cette université, Gisèle Venet et Line Cottegnies. 

Premier paradoxe : la représentation des éléments de l’iconographie et la nécessité d’un aspect esthétique 

        L’aspect esthétique des vanités est primordial : bien que le message soit moral et funeste (memento mori), renvoyant aux différentes passions humaines (savoir, gloire, richesse et plaisirs de la chair) les natures mortes de vanités sont avant tout belles. C’est là tout le paradoxe de ces images : représenter l’idée de la mort et de la fuite du temps de façon extrêmement attrayante pour l’oeil. Ceci est particulièrement visible en peinture, où les contrastes de couleurs, la lumière, subliment les objets représentés avec tant de minutie. En gravure, l’oeil est moins distrait, le sujet apparait plus clairement, il est ainsi plus « terrifiant ». 

        Voici deux gravures : une du néerlandais Jan Kuyken et Pieter Arentsz et une autre de Barthel Beham un allemand, tous deux ayant vécu au XVII ème siècle. Le site du Rijksmuseum permet de faire des recherches par mots clés dans l’onglet « explorer la collection ». En rentrant un mot, plutôt en néerlandais, comme « zandloper » (« sablier ») on trouve un certain nombre de gravures du XVII ème siècle sur le thème des vanités. Les gravures sont répertoriées par mots clés plus que par thème (les vanités par exemple). 

Source https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=zandloper&p=2&ps=12&ii=6#/RP-P-1896-A-19368-545,18

Pieter ARENTSZ (II), Femme assise à une table avec une bougie allumée, sablier et un crâne, Jan Luyken, 1687, gravure, 95mm × 78mm, Rijksmuseum Source: https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=zandloper&p=2&ps=12&ii=6#/RP-P-1896-A-19368-545,18

         La gravure de Jan Kuyken possède une composition classique, d’un intérieur peu détaillé, mis à part deux arcades esquissées dans l’arrière plan. Ces arcades renvoient à un lieu sacré, un temple ou peut être une église. Une femme, en vêtement de type monastique indique de sa main droite la bougie qui se consume. En nature morte sur la table un crâne, un sablier. Sur les genoux de la femme, un livre ouvert. Le graveur a réussi à rendre la lumière de la bougie. Cette gravure simple est belle et efficace : on saisit l’idée de la nécessité de préparer son âme au Jugement Dernier qui est proche, référence fait par les arcades, grâce à la Bible, livre posé sur les genoux.

La gravure de Barthel Beham est plus « violente ».

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Barthel BEHAM, Enfant endormi avec quatre crânes et un sablier, 1512 – 1540 Gravure, 54mm × 76mm, Rijksmuseum. Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=zandloper&p=1&ps=12&ii=11#/RP-P-OB-4201,11

         Un jeune enfant type putto est endormi les bras croisés sur la poitrine, tel un gisant. Les crânes au premier plan sont massifs et représentés en gros plan. On perçoit chaque détail de ces derniers, notamment celui sur la droite qui est vu du dessous. La morbidité est ici frappante. D’autre part, l’orientation de ce crâne vu di sotto in su renvoie directement à celle de l’enfant. Il y a un jeu de correspondances pour souligner encore une fois la brièveté de la vie. Le passage de l’enfance à la mort est représenté comme étant très rapide. 

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Barthel BEHAM, (détail) Enfant endormi avec quatre crânes et un sablier, 1512 – 1540 Gravure, 54mm × 76mm, Rijksmuseum. Source : https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objecten?q=zandloper&p=1&ps=12&ii=11#/RP-P-OB-4201,11

Second paradoxe : la représentation de l’irreprésentable (la mort, la fuite du temps, le néant)

       C’est justement parce que la représentation de concepts abstraits est difficile que l’iconographie des vanités s’est « institutionnalisée » : le crâne, la bougie, le sablier etc. Tous sont des symboles d’une idée précise. Grâce à ces éléments stables, la lecture des vanités se fait facilement, en dépit des différents modes de représentations et des variations. 

      La simplicité de ces modes de représentations est typique du Siècle d’Or. Tout comme des artistes tels que Frans Hals par exemple dans ses portraits, les vanités sont empreintes de « réalisme ». L’utilisation d’éléments quotidiens de l’époque : les fleurs, les bougies, le sablier. Les éléments du quotidien sont utilisés et mis en scène pour illustrer plus généralement des idées ou des proverbes.

Résolution des paradoxes : les sources littéraires de l’époque ou comment fournir aux peintres un imaginaire pour représenter les vanités. 

       La source principale du XVII ème siècle aux Pays Bas était Roemer Pieterszoon Visscher (né à Amsterdam en 1547 et mort le 19 février 1620) , un négociant hollandais et un auteur d’épigrammes populaires. Ses emblèmes de l’ouvrage Sinnepoppen ont beaucoup circulé, et ainsi on retrouve des modèles de bougies, symbole de l’écoulement du temps (ici des petits clous percés dans la bougie indiquent la vitesse à laquelle fuit le temps).

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Source (capture d’écran) : http://graauw.home.xs4all.nl/sinnepoppen/sinnepoppen.html Van ROEMER VISSCHER, SINNEPOPPEN, Gravure « Bij glafen om » 1614

       Jacob Cats a aussi fourni, avec son Emblemata, des modes de représentations des objets du quotidien. Par exemple cet emblème de la bougie assorti de la mention « Flamma fumo proxima »

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Source : (capture d’écran) http://emblems.let.uu.nl/c162717.html Jacob Cats, Flamma Fumo Proxima, Emblemata, Gravure, 1618

On retrouve cette idée de bougie, outil du quotidien, employée en peinture pour symboliser la fuite du temps.

        Pour cette dernière partie, l’article de Christophe de Voogd, La civilisation du « Siècle d’or »aux Pays-Bas publié sur le site Clio – Voyage Culturel est très intéressant et complet sur le Siècle d’Or. Christophe de Voogd est maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris Ancien directeur de la Maison Descartes. L’article est hébergé par Clio, un site d’historiens voyageurs désireux de faire partager leur plaisir de l’exploration culturelle.

Clémence L.

L’iconographie des bulles de savons dans les vanités

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_98=MILL&VALUE_98=1645%20vers%20&DOM=All&REL_SPECIFIC=3

Jan LIEVENS, Enfant faisant des bulles de savon, 2ème quart du XVII ème siècle, Musée de Besançon.

        Le musée des Beaux-Arts de Caen s’est penché sur le thème des vanités dans la peinture. Cette exposition qui a duré trois mois date d’il y a quatorze ans. C’est l’une des principales expositions sur ce sujet. Le Musée des Beaux-Arts de Caen a mis à disposition sur son site un espace pédagogique, accessible depuis l’interface d’accueil, à partir de l’onglet intitulé « Ressources ». A noter que l’interface présente toutes les informations principales concernant les horaires, les expositions en cours et l’actualité (les conférences notamment).

         A l’occasion de l’exposition sur les Vanités au Musée des Beaux Arts de Caen en 1990, une fiche d’analyse d’oeuvre exposée a été proposée et mise en ligne sous forme de PDF. Cette fiche compare différentes oeuvres de l’exposition afin d’éclairer son analyse de l’oeuvre principale commentée. L’oeuvre commentée est de NICOLAES VAN VEERENDAEL, artiste anversois. Il s’agit d’une nature morte, d’une vanité. Ce document apporte des éléments sur l’iconographie des vanités. 

          Le site du Musée des Beaux Arts est la propriété du Musée des Beaux-Arts de Caen, musée municipal de la Ville de Caen (siège social : Mairie de Caen, Esplanade Jean-Marie Louvel – 14 027 CAEN Cedex 9). Le directeur de la publication est Philippe Duron, maire de Caen et le responsable éditorial est Patrick Ramade, conservateur en chef, directeur du Musée des Beaux-Arts de Caen

         Le catalogue de l’exposition, accessible seulement en version imprimée a été rédigé sous la direction d’Alain Tapié avec la collaboration de Jean-Marie Dautel et Philippe Rouillard. L’éditeur est le Musée des Beaux-Arts de Caen lui même, et il date de 1990. Il a été imprimé en Belgique. 

        Il comprend un article de Inguar Bergstrom intitulé « Homo Bulla, La boule transparente dans la peinture hollandaise à la fin du XVI ème siècle et au XVII ème siècle ». 

         Le site du Rijksmuseum est un outil précieux pour retrouver des oeuvres de peintres néerlandais en lien avec le sujet ici développé : la boule transparente dans les natures mortes de vanités. 

         La représentation des boules ou bulles de savon apparait dès le XVI ème siècle dans les gravures de Hendrick Glotzius (1558-1617). Un putto est appuyé sur un crâne et devant lui se trouve un lys. Un peu plus loin de la fumée sort d’un vase. L’idée représentée par cette image emblématique est la courte durée de la vie humaine, telle une fleur fragile, ici le lys. La gravure est assortie d’une phrase en latin : « QUIS EVADET ? »  C’est-à-dire « Qui s’en échappe? ». C’est de la mort dont il est question, et la réponse est : personne. 

          Une autre gravure de Jacques de Gheyn, aussi auteur d’une vanité datée de 1603 été conservée au Metropolitan Museum de New York, contient une multitude de symboles et d’inscriptions en rapport avec les vanités. La mention « HOMO BULLA«  signifie « l’homme n’est qu’une bulle ». La mort saisit l’homme, qu’il soit roi ou paysan, comme figuré sur la gravure. La mention « MORS SCEPTRA LIGONIBUS AEQVAT » signifie « la mort rend égaux le sceptre et la pioche », et appuie cette idée d’égalité devant la mort. 

         L’artiste Jan Lievens  qui est né à Leyde en 1607 et mort à Amsterdam en 1674 a réalisé un tableau intitulé Homo Bulla, daté de 1645 et qui est conservé au musée des Beaux-Arts de Besançon. Il représente un jeune enfant nu qui est assis en pleine nature, puisqu’on aperçoit des arbres au dernier plan.

        A ses pieds, un fémur, un crâne et une mâchoire inférieure puis à sa gauche un sablier. On retrouve l’idée de la mort à travers les os, qui contraste avec la jeunesse de ce putto sans ailes, ce jeune garçon d’une blancheur éclatante. Le contraste est aussi opéré au niveau de sa chair volumineuse et gracile à proximité du crâne noir. Le jeune garçon est occupé à fabriquer des bulles en soufflant dans une sorte d’objet qu’il tient entre ses mains. La bulle est pleine, bien ronde, comme ses membres, et pourtant est destinée à éclater.

         Ce qui est intéressant de noter c’est que cette iconographie a été utilisée dans le cadre d’un sujet biblique. L’oeuvre de Hieronymus Wierix, 1563 – before 1619, représente le Christ soufflant des bulles de savons. Ce thème du Christ représenté enfant assorti d’éléments renvoyant à sa mort prochaine est récurrent mais il est plus rare de trouver ce motif là des bulles de savons. Souvent lié à la jeunesse, cette iconographie veut appuyer l’innocence de l’enfant qui ne se doute pas de l’inéluctable fuit du temps et de la fragilité de la vie.

Clémence L.

Bibliographie : 

‎A. Tapié, Les Vanités dans la Peinture au XVIIe siècle. Méditation sur la richesse, le dénuement et la rédemption – catalogue d’exposition 27 juillet 15 octobre 1990‎. ‎Caen, Musée des Beaux-arts, 1990

Persée secourant Andromède de Joachim Wtewael : une vanité cachée ?

http://perseetandromede.wordpress.com

Joachim Wtewael, Persée sécourant Andromède, 1611, toile, 180 x 150 cm, Musée du Louvre, Paris http://perseetandromede.wordpress.com

      Dans cet article, il s’agira d’analyser un tableau très intéressant de Joachim Wtewael, Persée secourant Andromède. Ce tableau comporte en fait trois tableaux en un : un paysage qui semblerait être une vue idéalisée de la ville d’Harleem, un nu académique, et une nature morte au premier plan que je vais analyser en tant que vanité à l’aide de plusieurs ressources numériques.

       Je voudrais vous présenter un blog d’un amateur qui a fait une description de ce tableau de manière divertissante, qui est à prendre au second degré. Il s’agit de missionaulouvre (ce lien vous envoie directement à l’article concernant le tableau). Ce blog est en fait comme un journal de bord, d’un amateur, Jean-Sebastien Cariot, qui s’est donné pour « mission » de visiter le Louvre tous les jours à sa pause déjeuner pendant un semestre. Il publie alors un article pour chaque oeuvre qui l’a marquée et raconte son sujet et son histoire. Nous naviguons facilement sur ce blog grâce au sommaire.

Capture d’écran du blog missionaulouvre
Pour continuer avec les blogs, je vais vous présenter un écrit par des consoeurs de Ressources Numériques de l’année dernière, qui ont fait un blog entièrement dédié au mythe de Persée et Andromède. La navigation est très ludique car les trois étudiantes ont fait une page par technique de représentation (sculpture, peinture, cinéma, musique, littérature, ect…).

Capture d’écran du blog perseeetandromede
Le site de la Société des Amis du Louvre a publié une petite page sur ce tableau. Nous retrouvons ce tableau par un des onglets proposés à gauche : acquisitions puis liste des oeuvres. L’interface est aussi plutôt ludique, l’onglet acquisitions puis liste des oeuvres est classifié selon les différentes salles du Musée du Louvre. Le qui sommes nous? est très complet. C’est une société privée qui est aujourd’hui le premier mécène du Musée du Louvre.

Capture d’écran société des amis du Louvre page Persée et Andromède de Wtewael

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      Joachim Wtewael est un peintre dit maniériste hollandais, il est né en 1566 et mort en 1638 à Utrecht.

     Si vous ne connaissez pas tout à fait le mythe de Persée et Andromède vous êtes invité à aller voir les diverses ressources proposées ci-dessus,. Il est important de préciser que ce tableau est une sorte de fusion de deux mythes : celui de Persée avec des sandales ailées sauvant Andromède du monstre marin, et de Béllerophon avec Pégase tuant la chimère.

perseetandromede.wordpress

Joachim Wtewael, Persée secourant Andromède, 1611 (Détail)

     Nous remarquons qu’aux pieds d’Andromède, le sol est littéralement tapissé de coquillages vides associés à un crâne et un os à son pied droit, et à son coté gauche un cadavre ayant perdu toute sa chair. Finalement, un contexte plutôt funeste; c’est pourquoi nous pouvons penser tout d’abord à une nature morte.
Mais aussi à une vanité. Ici, les ossements rappelle le destin d’Andromède qui est donnée en sacrifice au monstre marin, ces ossements sont les dernières victimes du monstre avant elle. Par cette association d’une belle jeune femme et de la mort, nous pouvons penser à une première vanité. Celle qui correspond à l’adage « rappelle-toi que tu vas mourir », et faisant référence à la cruauté de la vie, car nous savons que nous allons mourir mais nous ne savons pas quand. Ce crâne peut aussi fait allusion à ce que sera Andromède, ou ce que nous serons, dans quelques dizaines d’années.
Cette représentation du memento mori est la plus répandue, comme nous avons pu le voir dans nos divers articles précédents. Mais nous n’avons encore jamais traités dans ce blog du coquillage dans les vanités.
A vrai dire, il est assez difficile de trouver une ou des significations de cet élément sur le net. Je vais tenter une interprétation par moi-même en m’appuyant sur diverses lectures numériques effectuées, qui sont présenter au début de cet article. Depuis longtemps le coquillage fait référence à la femme. Tantôt à la Vierge, souvent à l’enfant comme La Sainte Conversation de Pierro della Francesca, nous remarquons que l’abside de l’architecture forme un coquillage. Tantôt à la femme plus charnelle, et la nous pensons à la déesse Venus et à la fameuse Naissance de Venus de Sandro Botticelli. Ici le coquillage fait directement référence au sexe féminin et à la fécondité, en tant qu’attribut de Venus.

       Si nous nous remettons dans le contexte de Persée et Andromède; ce-dernier tombant amoureux de cette belle femme nue en détresse; cette dernière assimilation du coquillage concorde dans ce tableau qui mêle héroïsme et érotisme. A cette époque l’académie du nu, était certes un exercice pictural fastidieux qui vantait la maitrise du dessin de l’artiste, mais elle était destinée aussi à un certain plaisir visuel. Nous pouvons penser alors à une vanité du plaisir charnel. Un plaisir éphémère, qui ne dure qu’un temps, lorsque nous sommes beaux et jeunes. C’est peut-être aussi ce qui attend Persée et Andromède après leur mariage.

Clémentine J.